DEAR READER
VERSE TRANSLATION OF CHARLES BAUDELAIRE'S AU LECTEUR
CAVALCANTE
1st March 2020
Gustave Courbet (Public Domain)
Dear Reader
As homeless men sustain their thriving lice,
our shame’s a thing we feed and mollify;
our wits enthralled, our skin well-furrowed by
dumb sin, dull idiocy and avarice.
Our sins pig-headed, and our penance easy,
we charge rich premiums for our sly confessions,
hoping base tears wash clean enmired transgressions,
though finding re-offending not unpleasing.
In evil’s cradle our drowsed heads are nursed
by Satan dubbed Thrice Powerful; pillowed there,
as that most expert chemist scents the air,
sniffs gas – our will’s fine ore that he’s dispersed.
The Devil’s strings manipulate our tastes;
the loathsomest attractions will compel
a thirst in us as we advance to Hell,
blind to fear, through mephitic, shadowed wastes.
Just like the wretched debauchees who bite
and kiss a raddled whore’s tormented breasts,
we steal and squeeze, in passing, secret zests,
like softened oranges, with all our might.
A race of demons raises hell inside
our brain, like legion gut-worms densely seething,
and Death invades our lungs as we are breathing
despite mute shrieks against its unseen tide.
If rape, or arson, poison or knife’s stain
have not yet stitched the empty borderlines
of life’s dull cloth with daintiest designs,
weakness alone has made our souls refrain.
Among the jackals, scorpions, tamarins,
the vultures, snakes and panthers, bitch-hounds growling,
the nightmares yapping, snorting, slithering, howling
in the foul exhibition of our sins,
there’s one, the most repulsive, which, although
happy to see towns crumble to the ground,
and swallow Earth in yawns without a sound,
lets out no cries, makes not the slightest show;
it’s Taedium! Smoking, shedding yet another
unwilling tear; fastidious horror dreaming
of gibbets whom you know......so well, it’s seeming ….
…….you humbug, Reader - you’re like me! - my brother!
Au Lecteur
La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
Et nous alimentons nos aimables remords,
Comme les mendiants nourrissent leur vermine.
Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches;
Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.
Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
Qui berce longuement notre esprit enchanté,
Et le riche métal de notre volonté
Est tout vaporisé par ce savant chimiste.
C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent!
Aux objets répugnants nous trouvons des appas;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.
Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
Le sein martyrisé d'une antique catin,
Nous volons au passage un plaisir clandestin
Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.
Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.
Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
Le canevas banal de nos piteux destins,
C'est que notre âme, hélas! n'est pas assez hardie.
Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
Dans la ménagerie infâme de nos vices,
II en est un plus laid, plus méchant, plus immonde!
Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde;
C'est l'Ennui! L'oeil chargé d'un pleur involontaire,
II rêve d'échafauds en fumant son houka.
Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
— Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère!